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Théâtre du peuple : la belle utopie de Monsieur Pottecher
Comment un homme, Maurice Pottecher fait le pari fou, improbable de créer en 1895 un théâtre populaire dans son petit village natal de Bussang. Pari gagné et cela fait 118 ans que ça dure !
Mardi 3 décembre, le Théâtre du Peuple est sous la neige, en mode hibernation, du moins en apparence ! (cf. De Bussang à l'Alaska) L'ouverture exceptionnelle du théâtre pour un groupe d’étudiantes de l'ESPE, en compagnie Jean-Michel Flagothier, administrateur, a permis de (re)découvrir l'histoire et l'esprit d'un théâtre populaire et unique.
Le Théâtre du Peuple est aujourd’hui devenu une institution, un modèle unique au monde et une référence en terme de théâtre populaire. Il aura fallu l'inspiration et l’opiniâtreté d'un homme pour que ce théâtre voit le jour. Maurice Pottecher, c'est d'abord l'histoire d'une passion pour le théâtre. Auteur dramatique, il effectue plusieurs séjours à Paris dans l'espoir de faire jouer ses pièces. Sans succès. Il fait la rencontre de Camille de Saint-Maurice, comédienne de théâtre, déjà connue sur la scène parisienne. Il l'épouse, puis le couple revient s'installer à Bussang. Maurice Pottecher décide alors de faire du théâtre, loin de l'agitation parisienne, au sein même de son petit village. Camille lui apporte la légitimité dont il a besoin et prend en charge la formation des acteurs amateurs. En 1895, il met en scène sa première pièce « Le Diable marchand de goutte ». Les premiers rôles sont distribués aux membres de la famille Pottecher, les seconds rôles aux habitants du village et aux ouvriers de l'usine familiale. La représentation rencontre un énorme succès : plus de 2000 spectateurs ! Le Théâtre du Peuple est né.
Désormais, Maurice Pottecher consacrera sa vie à l'art. Il décide de faire construire à Bussang le théâtre dont il a rêvé (cf. Bussang, un théâtre de bois en pleine nature) : « le désir me vint donc de créer un théâtre qui fût accessible à tous, au peuple entier sans exclusion de caste ni de fortune, et qui pût intéresser tous ceux, d'esprits même très divers, qu'il réunirait sur ses gradins ». S'il affirme sa volonté d'ouvrir le théâtre à tous les spectateurs, il affiche la même détermination à confier certains rôles à des comédiens amateurs. Cela constitue l'essence même du Théâtre du Peuple. Depuis l'origine, les pièces ont toujours été jouées par des troupes composées d'acteurs professionnels et amateurs.
Un siècle et deux guerres sont passés, mais l'esprit de Bussang reste intact. Il est émouvant de constater que rien n'altère la vocation du Théâtre du Peuple. Aujourd'hui encore, le public accomplit souvent un long chemin pour se rendre à Bussang (il vient de Lorraine, d'Alsace, de la région parisienne, de l'étranger...), il prend le temps de flâner dans les jardins, de s'installer dans ce théâtre-grange en lien avec la nature, de lire en grandes lettres sur le cadre de scène : « Par l'art », « Pour l'humanité » et de s'émerveiller lorsque le fond de scène s'ouvre sur la forêt vosgienne.
La pérennité du Théâtre du Peuple se trouve à la fois dans le respect de l'esprit de Pottecher et dans sa capacité à évoluer. De nombreux metteurs en scène venant de tout horizon se sont succédés depuis la disparition de son créateur, apportant leur vision et leur sensibilité ; tous parlent de ce théâtre comme une « expérience unique, originale et sincère ». Et chaque été, un public toujours nombreux, vient découvrir les spectacles de l'après-midi et du soir avec un même plaisir partagé.
Emmanuelle Nialon-Thomas
Crédit photographique : E. Nialon-Thomas
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